Le « béni oui-ouisme » est très tendance chez les élus macron-philippistes herblinois. Dernier exemple en date, leur signature apposée sous une tribune de l’ancien Ministre Stéphane TRAVERT sur le plein emploi. Du bon sentiment à faire rougir Miss France : «Viser le plein-emploi, c’est viser l’emploi pour tous, y compris pour les plus éloignés des entreprises et du travail. Nous devons aller plus loin pour eux, comme pour tous les exclus du marché du travail, les carrières cabossées, les assignés à résidence. ( ...) Aider les entreprises à recruter les talents là où ils sont, c’est une condition du plein emploi et de l’insertion ». Allez, hop ! La réforme des retraites, c’est avalé (SIC G. DARMANIN), passons maintenant à la remise au boulot et vendons France Travail qui, au passage, impliquera de mobiliser entre 2,3 et 2,7 milliards d'euros sur la période 2024-2026. Prions pour que le coût de fabrication des panneaux et le coût d’impression des nouvelles cartes de visite dus au changement de nom soient inclus ! Nous nous souvenons d’un temps pas si lointain que cela, où le mariage forcé ANPE/ASSEDIC avait été décidé par Nicolas SARKOZY pour enfanter Pôle Emploi. Voici ce qu’on pouvait entendre 10 ans plus tard d’un ex-DGA de Pôle Emploi au moment de cette fusion : « Pôle emploi est un établissement public administratif (…) qui a été créé avec la promesse de résorber le chômage. Comme si en créant l'ONU, on promettait la fin des guerres. Aujourd'hui, Pôle emploi est par exemple en concurrence avec des annonces du Bon Coin et on pense qu'un établissement public peut lutter contre un phénomène économique tel que le chômage... L'échec de Pôle emploi était malheureusement inscrit dans sa structure même. » Il faut donc convenir que l’écosystème de l’emploi, de la formation et l’insertion a besoin d’être re-questionné, là n’est pas la question. La volonté de généraliser les parcours et les suivis va dans le bon sens, celle de viser l’emploi pour tous aussi (Oui M. TRAVERT !). De même, pour reprendre les propos de la Fédération des Acteurs de la Solidarité : « [Nous] partage[ons] le constat du manque d’accompagnement réel des personnes en demande d’emploi ou des bénéficiaires du RSA et demand[ons] effectivement le respect de cet engagement du côté des « accompagnants ». De même, le travail proposé avec les entreprises est positif ; il est même enfin temps. La question porte plutôt sur la manière dont l’Etat considère ceux qui sont sur le bord de la route et sur celle dont il mène sa propre (non) remise en question. « Nous, ce qu'on propose, c'est un choc de l'insertion, c'est de faire en sorte qu'il y ait un coach, un conseiller, qui ait vraiment du temps pour pouvoir accompagner les bénéficiaires du RSA dans leur parcours de retour à l'emploi. Pour continuer à percevoir l'aide, il sera donc nécessaire de s'inscrire à Pôle Emploi, comme c'est aujourd'hui le cas pour 40% des bénéficiaires du RSA. Il faudra également effectuer 15 à 20 heures d'activités obligatoires : des immersions d'entreprises, des stages, de la formation pour pouvoir se former à un métier ou pour passer le permis de conduire. Tout ce qui contribue à faire en sorte que la personne reprenne confiance en elle, qu'elle se forme et qu'elle retrouve un emploi. » assure le Monsieur France Travail Thibaut GUILLUY, Haut-commissaire à l'Emploi et à l'Engagement des entreprises.
Oui mais voilà.
Premièrement, le RSA est un revenu de solidarité, un minima social conçu pour assurer à chacun un moyen de subsistance. Le conditionner reste problématique. Ses objectifs s’articulent autour de 3 axes : lutter contre la pauvreté, rendre lisible le système de solidarité nationale et inciter les personnes à la reprise d’une activité. Mais il faut rappeler que le taux de non-recours au droit est de 40% en France et que l’une des raisons analysée par l’ODENOR (Observatoire des Non-Recours aux Droits et Services) est la non-demande : « Elle surgit notamment lorsque l’offre impose des conditions de comportements qui paraissent irréalisables ou inacceptables. Une conditionnalité qui demande aux destinataires de démontrer leur autonomie et responsabilité, véhicule des modèles de « l’accomplissement de soi ». Ces modèles sont difficilement accessibles pour certains, tant pour des raisons sociales, économiques et psychologiques, que pour des raisons morales ou politiques. En particulier, le principe de l’activation, avec ce qu’il suppose comme engagements à respecter, peut susciter : une non-demande par dénigrement de ses propres capacités, une non-demande par découragement devant la complexité de l’accès, ou encore une non-demande par non-adhésion aux principes de l’offre. » Il faut donc rester vigilant : conditionner le RSA à un comportement attendu mais difficilement accessible pour certains des allocataires ne va-t-il pas dériver vers une augmentation de la non-demande ? Et ainsi rendre encore plus invisibles ces personnes déjà fragiles. Deuxièmement, l’accompagnement renforcé va demander de très nombreuses embauches de personnels. Renforcer l’accompagnement est primordial car aujourd’hui le délai des rendez-vous est trop élastique et leur nombre trop faible. Mais selon la DIHAL (Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement), 64 000 postes sont vacants dans le social et le médico-social ; les secteurs du social, de l’insertion connaissent de très grosses difficultés de recrutement (conditions de travail, reconnaissance, salaires, complexité des problématiques et des publics). Le premier travail à mener est donc de redonner du sens à ces métiers de l’accompagnement -car c’est l’essence même de leur attractivité- et de revaloriser les conditions de travail. Car sans travailleurs, l’intention a beau être belle, elle est difficilement réalisable. A moins de mettre une pression supplémentaire sur les personnels. Nous conseillons à certains de lire des bilans d’analyse des pratiques des travailleurs sociaux. Ils y verraient la souffrance au travail et la pénibilité. C’est inquiétant. Troisièmement, renforcer l’accompagnement pour lever les freins à la reprise d’emploi, inciter les personnes à la reprise d’une activité, c’est bien, encore faut-il que les politiques publiques qui accompagnent l’intention suivent. Sinon c’est un vœu pieu. Prenons la politique d’industrialisation de la France. Il va sans dire que la désindustrialisation de notre pays s’accélère depuis une bonne quinzaine d’années. L’audition d’Arnaud MONTEBOURG en 2023 par l’Assemblée Nationale lors de la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique de la France est instructive : Arcelor, Péchiney, Alstom, Technip, Lafarge, Alcatel, Essilor. « Il faut se réveiller ! » dit-il. Certaines régions ne s’en remettent pas. De même, la balance commerciale de notre pays est déficitaire de manière chronique depuis 20 ans. Et les chiffres du chômage aujourd’hui cachent la précarisation du monde du travail. Citons pour illustrer une étude du COMPAS sur la place du travail dans les quartiers prioritaires. Elle montre que « 55% des revenus des habitants des QPV sont issus du travail contre 23% des prestations sociales, logement ou familiales. Pour 1 euro perçu, 2.4 euros proviennent du travail. » Elle note aussi que « les jeunes sont surreprésentés dans les métiers « ubérisés », (…) que les habitants sont les principales victimes de la déqualification et du temps partiel (femmes). Enfin la prime d’activité est proportionnellement plus forte dans les quartiers que dans les autres territoires. En résumé, les habitants des QPV ne vivent pas des prestations mais avant tout d’un travail qui est souvent dur, exigeant et peu rémunérateur. ». Comment ne pas faire le lien ici avec le niveau de l’école et de l’université en France aujourd’hui. Une catastrophe. Les entreprises doivent baisser leurs exigences : elles disent ne pas avoir le choix. Alors lutter contre le chômage, ça ne commence pas à l’inscription chez Pôle Emploi, ça commence avant tout à l’école. Et quelle politique publique de l’éducation est mise en place ? Il faut reconnaître que les mesures concernant l’apprentissage activées par le gouvernement sont efficaces et intéressantes mais elles ne pallient pas les manques dès l’apprentissage de la lecture et des mathématiques. Quant à la bonne intention de vouloir que toutes les personnes handicapées aient accès à l’emploi, nous répondrons que l’Etat devrait déjà montrer l’exemple et permettre à tous les enfants handicapés d’accéder à l’école et aux études supérieures. Prenons maintenant l’exemple d’un des freins à l’emploi identifiés auprès des publics fragiles et privés d’emploi : l’accès au logement. Comment faire pour solutionner ce problème quand on sait que près de 2,3 millions de ménages français seraient dans l'attente d'un logement social ? Une demande en forte hausse alors que dans le même temps le nombre de nouveaux HLM stagne. C’est un vrai casse-tête dans le cadre de l’accompagnement. Nous posons donc la question : quelle politique publique réelle de ce gouvernement en matière de logement ? Nous citerons la Fondation Abbé Pierre pour y répondre. Dans son rapport annuel sur la situation du logement en France, la Fondation Abbé Pierre s’alarme de « l’écart entre les difficultés rencontrées par de nombreux Français pour accéder à une habitation décente et l’absence de politiques calibrées. En 2021, la part du PIB consacrée par les pouvoirs publics au logement était de 1,5 %, le niveau le plus bas enregistré en 40 ans. » Autre exemple de frein à l’embauche : la mobilité. Là encore, quid des politiques publiques en matière de transport ? Politiques nationales, régionales, locales. Pour ce qui concerne notre région, vouloir mettre Nantes à moins de 2h de Paris en TGV (contre 2h10 aujourd’hui) n’est peut-être pas la bonne question à se poser. Car pendant ce temps-là, sans véhicule, sans permis, impossible de prendre un poste en 2*8 ou aux horaires atypiques dans une zone industrielle, les transports en commun n’étant pas adaptés. Encore un point important à soulever : nos quartiers prioritaires de la ville accueillent beaucoup de familles monoparentales avec très majoritairement des mamans solos. Relancer sa recherche d’emploi et reprendre une activité, cela veut dire avoir des moyens de garde pour ses enfants. Hélas, il manque en France 230 000 places de crèches en plus des 446 000 existantes pour satisfaire les besoins des 2,2 millions d'enfants de moins de trois ans. Aujourd'hui 40 % des enfants n'ont aucune solution d'accueil. Là encore, quelle politique publique mise en œuvre ? Et la santé mentale, si on en parlait ! Quand vous avez traversé la Méditerranée dans des conditions effroyables, quand vous avez quitté un pays en guerre, quand vous avez frappé à toutes les portes sans succès, quand vous avez perdu le contact avec le monde de l’entreprise depuis longtemps, quand vous n’avez pas la possibilité de manger sainement (coût de la vie)…, votre santé mentale est fragile. Un sujet qui préoccupe quotidiennement les personnes qui se chargent de l’accompagnement des personnes privées d’emploi. Les solutions ? Du manque de personnels dans les établissements, du manque de places, un accueil détérioré dans la prise en charge des soins, des maladies non prises en charge… La politique santé du gouvernement, on en parle ? Enfin, et ce sera notre dernier exemple, l’illectronisme touche de plein fouet les personnes privées d’emploi : tout est aujourd’hui dématérialisé. A titre d’exemple, sur notre Métropole, les salariés en chantiers d’insertion professionnelle sont pour beaucoup allophones. Rien que l’inscription à Pôle Emploi est le parcours du combattant. Tous, nous savons combien cette dématérialisation est la double peine pour les publics fragiles. France Services, c’est bien. Mais encore faut-il pouvoir en pousser la porte. Alors nous le demandons ici : quand nos élus nationaux déconnectés vont-ils comprendre que la confiance en l’Etat est entamée jusqu’à l’os ? Que l’immense majorité des personnes au chômage ne sont pas des personnes en demande d’emploi mais des personnes privées d’emploi. Le manque d’anticipation des politiques publiques, le travail non transversal mené par les Ministères, la méconnaissance des problématiques des publics fragiles empêche aujourd’hui bon nombre de femmes et d’hommes d’accéder à leur droit à travailler. Les intentions énoncées sont louables à condition que les moyens soient à la hauteur. Ce n’est malheureusement pas le cas du tout. Heureusement que les travailleurs sociaux, médico-sociaux, de l’insertion ne lâchent pas et travaillent d’arrache-pied tous les jours. Ils font un travail exceptionnel mais ils ont usés. Usés de devoir faire avec des bouts de ficelles et des injonctions venues de Paris qui changent sans arrêt, qui sont parfois contradictoires et qui, au bout du compte, ne sont que des mesurettes qui coûtent bien cher. Nous arrivons au bout du système. J’espère que M. TRAVERT -et ceux qui ont signé- ont pensé à tout cela quand ils ont écrit et validé cette tribune.