Le triste constat fait ici avec justesse est préoccupant, très préoccupant ; et n’est en réalité qu’un des symptômes d’un mal plus profond dont crève notre société : la fin de l’esprit critique, celui né au siècle des Lumières. L’esprit critique, celui qui résiste à l’argument d’autorité, est aujourd’hui empêché par des hiérarchies de toutes sortes qui assimilent idéologies et vérité et imposent la soumission des intelligences par la terreur. Au XVIIIème siècle, la circulation des idées se met en marche et les débats engendrent des idées nouvelles et une nouvelle compréhension du monde. La science, la littérature, la philosophie, tout concourt pour permettre aux Hommes de se libérer des préjugés et des dogmes religieux. Il y a une remise en cause de l’ordre établi telle que la condamnation de l’esclavage, la contestation du système judiciaire, la critique de la monarchie. Esprit critique et humanisme sont indissociables. Nous avons d’ailleurs hérité des valeurs de l’humanisme des Lumières comme la liberté, les droits humains et la dignité de l’individu. Et selon les philosophes de l’époque, pour que le peuple arrive à la Raison, pour qu’il puisse être « éclairé », il faut mettre fin ou réduire les inégalités sociales, économiques, ethniques, il faut lutter contre l'obscurantisme et empêcher le fanatisme de dicter les décisions politiques et judiciaires, propager une éducation complète et nécessaire à tous et lutter contre le despotisme politique. Aujourd’hui nous reculons. Les dogmes religieux et communautaristes sont relayés, les contradicteurs sont pour beaucoup trop insuffisamment éduqués pour argumenter. D’autres s’auto-censurent de peur d’être insultés de « fascistes » ou de « dictateurs » à tout bout de champ. A l’Assemblée Nationale, nous assistons à des débats qui n’en sont pas : vociférations, insultes, empêchement des débats… chacun rejetant la faute sur l’autre sans jamais se remettre en cause. Alors que la pluralité que nous ont imposée les électeurs devrait être une chance, nous n’avons jamais eu d’échanges d’idées aussi pauvres. Pendant ce temps, les inégalités se creusent, violemment, la littérature est remplacée par le tweet, la science est souvent remise en cause, l’éducation nationale n’éduque plus, l’instantanéité a pris la place de la réflexion et du débat contradictoire. La nuance devient un lointain souvenir et les radicalités deviennent la norme, les extrêmes dictent l’actualité. Sur notre territoire, nous assistons à des manifestations où des pancartes avec des guillotines circulent sous prétexte de « liberté d’expression », nous avons des associations qui soit disant portent la parole des habitants mais ne font en réalité que régler leurs comptes et représenter leurs petits intérêts personnels. En désignant du doigt tel ou tel élu à titre individuel, se rendent-ils compte qu’ils participent à la montée des haines ? Voilà pourquoi aujourd’hui nous ne pouvons que constater avec effroi la montée des périls. L’extrême-droite, celle qui hait l’Autre, ne se cache plus, reprend la confiance, fomente son retour ; et ceux qui devraient lutter contre elle, ceux qui devraient s’unir pour combler le vide politique afin qu’elle ne le fasse à leur place, ceux-là mêmes lui déroulent le tapis rouge : leur radicalité ne la tue pas, elle la renforce, leur ignorance ne l’efface pas, elle la nourrit. Et, pire que tout, leur lâcheté et leur clientélisme crasse nous offrent en pâture. Face à cela, les maires et conseillers municipaux, ces premiers de cordée de la sphère politique, affrontent quotidiennement les colères, le désarroi des habitants. La dégradation du service public les rend fragiles car ils n’ont plus les moyens de répondre aux besoins des habitants comme ils le devraient. Ces représentants de la nation deviennent les cibles des haines nourries entre autres par des simulacres de décapitation et des images de pied sur un ballon à l’effigie d’un Ministre. Il est temps de se réveiller, de rallumer les Lumières, de débattre à nouveau, de structurer nos pensées, de lutter vraiment contre les inégalités, de soutenir le service public, de se débarrasser de nos lâchetés. Sans cela, l’obscurantisme, les obscurantismes gagneront et les élus, garants de la démocratie et de la République, s’effondreront. Alors nous voterons bien sûr ce vœu qui est en réalité un appel de détresse à destination des pouvoirs publics : protégez vos élus, donnez-vous les moyens de le faire. Et surtout retrouvez vite votre esprit critique. Avec notre soutien à Monsieur MOREZ et nos salutations républicaines. Catherine MANZANARES et Sébastien ALIX
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