Monsieur le Maire, Mes chers collègues, Soyons clairs ! Oui, nous savons que l’échelon métropolitain est indispensable à notre développement urbain et économique. Oui, ensemble les villes sont plus fortes, elles peuvent partager leurs points forts, soutenir les points faibles de chacune, augmenter leurs moyens pour améliorer la qualité de vie de leurs habitants respectifs. Oui, les métropoles sont des actrices importantes de la décentralisation. Ne pas le dire serait une erreur. Mais attention ! Cela ne doit pas créer des déséquilibres à la fois aux dépens des territoires ruraux mais aussi aux dépens des communes-membres qui peuvent se retrouver « avalées » par la machine métropolitaine. D’ailleurs les habitants ne s’y trompent pas. Combien de fois sur le terrain, entendons-nous qu’ils sont fatigués d’entendre que leurs questions ne sont pas du ressort de la mairie mais de la Métropole. La proximité n’est donc pas si évidente et nous, élus locaux, devons y être vigilants. Ainsi vous nous demandez de nous prononcer sur le « Pacte de Gouvernance Métropolitain » proposé par sa Présidente, Johanna Rolland. Je voudrais croire que nous sommes tous d’accord au moins sur un point : celui de l’exceptionnelle importance de cette délibération, celui de l’importance fondamentale du choix auquel nous sommes confrontés. Nous nous prononçons ici sur la gouvernance que nous voulons. Pour nous, cela revient à choisir ici si nous acceptons d’être fondus dans la grande métropole ou si voulons être les représentants singuliers de notre ville et donc des Herblinois ; cela revient à choisir si nous voulons devenir de plus en plus une chambre d’enregistrement des décisions de la métropole ou si nous voulons retrouver notre autonomie de décision. Voici donc notre position : Catherine MANZANARES et moi-même voterons « contre » car ce pacte soulève pour nous trop d’incertitudes. Si les affirmations sur une plus grande communication auprès des élus sont claires, cela ne gomme pas nos craintes déjà éprouvées quant à la faisabilité de l’intention. Car à la lecture complète de ce texte, nous nous posons de nombreuses questions. Tout d’abord, une chose est certaine : il se pose clairement la question de la séparation des pouvoirs entre notre commune et Nantes Métropole. On nous demande, en tant que conseillers municipaux de Saint-Herblain, de valider par avance des décisions qui n’existent pas encore puisque, pour certaines d’entre elles, nous n’aurons plus de droit de regard. Ainsi, nous serons soumis aux décisions métropolitaines, le principe de subsidiarité nous étant vendu ici comme un bon outil pour assurer la répartition des missions dans un contexte supra-communal. Or, la subsidiarité est un concept flou aux contours mal définis. D’une manière très générale, elle consiste en une ligne de conduite, une orientation, qui permet de déterminer l’acteur compétent dans un contexte qui en comprend plusieurs. En d’autres termes, Nantes Métropole pourrait se substituer à notre commune de Saint-Herblain, étant acté que si l’échelon inférieur ne peut intervenir, alors l’échelon supérieur peut le faire à sa place ou l’aider à remplir cette mission. Soit ! Mais alors se pose la vraie question de savoir selon quelles modalités: la réponse n’est pas donnée, seul le principe est énoncé. Trop flou donc, ce qui indique une prise de risque pour notre commune de se voir allégée de certaines de ses compétences. Prenons un exemple concret : lors du 1er confinement s’est posé le problème de l’achat de masques à destination des habitants de la métropole. Et c’est Nantes Métropole qui s’est chargée de regrouper les achats pour les communes membres (l’échelon supérieur se substituant donc à l’échelon inférieur). Résultat : pendant que les Nantais recevaient leurs masques promis, les Herblinois attendaient les leurs ! Sans compter que lors des communications à ce sujet, nous ne savions jamais si Mme ROLLAND intervenait en tant que Maire de Nantes ou Présidente de la Métropole. Et la majorité herblinoise s’est retrouvée à devoir gérer une situation qu’elle subissait, n’ayant pas la main sur ce dossier.
Abordons maintenant le principe de solidarité édicté dans ce pacte. Y est posé que « le schéma de coopération et de mutualisation vise à renforcer l’approche concertée des 24 communes et à mettre en commun les moyens en fonction de la volonté des maires… » . Comment ne pas y voir une dichotomie ! On ne peut être solidaire contre son gré ! Illustrons notre propos avec la MOUS par exemple, le plan visant la résorption des bidonvilles. Un accord a été signé au sein de la Métropole sur le principe de solidarité… Sur le papier ! Car concrètement chaque commune fait ce qu’elle veut concernant l’accueil de ces populations. Autre exemple avec celui des logements sociaux: Saint-Herblain prend largement sa part au sein de la Métropole et peut en être fière. Mais quid des autres communes ? Toutes ne jouent pas le jeu de la solidarité ! Et comment convaincre certains édiles de faire cet effort puisque la solidarité n’est par définition pas contraignante. Car comme il est écrit dans ce pacte au chapitre « La confiance» : « aucun projet ne peut être imposé sur le territoire d’une commune si le maire s’y oppose ».
Maintenant, intéressons-nous à l’organisation matérielle de cette gouvernance : un véritable mille-feuille ! Conférence des maires, Exécutif, Commissions Locales de Pôles, G24 thématiques, Instances Techniques Métropole / Communes, Conseil Métropolitain avec Commissions Métropolitaines et Conférence des Présidents des Groupes Politiques, Bureau Métropolitain avec Commission Subvention. Indiscutablement, il y aura des pertes d’informations, des dossiers faisant des allers-retours, des redondances. Et la crainte que notre métropole ne devienne technocratique.
Enfin, et ce sera mon dernier point avant de conclure, je souhaite intervenir sur la partie 4 du pacte qui concerne « le dialogue citoyen métropolitain ». En plus d’être citoyen européen et citoyen français, nous voici citoyen métropolitain. De quoi étoffer un CV c’est certain. Mais pas de quoi répondre aux questions des habitants de notre commune quand il s’agit de leur quotidien. L’intention est louable et le principe de consulter la population est nécessaire et indiscutable. Mais consulter c’est d’abord écouter.
Par exemple, quand les habitants remontent à Nantes Métropole des problèmes d’inégalité de traitement sur le territoire métropolitain concernant le tri des déchets, et que la métropole ne tient pas compte de ces remarques, comment se sentir citoyen métropolitain ?
Quand un quartier herblinois a besoin d’un commissariat de proximité parce que les habitants sont en danger et que chaque fois la Présidente de la Métropole demande à l’Etat des moyens supplémentaires pour SA ville uniquement, comment se sentir citoyen métropolitain ? Quand le maillage des transports en commun est principalement tourné vers le centre-ville, comment se sentir citoyen métropolitain ?
Cette intervention sera sans aucun doute perçue comme une critique sans concession. Mais cette sévérité de jugement vis-à-vis de notre métropole est une preuve que nous sommes très attachés en tant qu’élus herblinois à défendre les intérêts d’abord des Herblinois. Créées au départ pour que les communes puissent travailler ensemble, puissent élaborer des stratégies de développement économique profitable à tous leurs membres, les métropoles sont aujourd’hui nécessaires pour faire face aux évolutions économiques et aux nouveaux équilibres dans les rapports de force extérieurs. Mais pour que cela fonctionne, il faut que les rapports de force intérieurs soient eux aussi équilibrés. Et ce pacte de gouvernance ne nous en apporte aucune garantie.
Je vous remercie.
Sébastien ALIX
Conseil Municipal du 15 février 2021