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Subvention SOS Méditerranée - Avril 2021

Monsieur Le Maire, Mes chers collègues,


Dans cette société actuelle si prompte aux raccourcis et à la buzz-réflexion, j’entends déjà les remarques dont nous allons faire l’objet suite à cette délibération. Car nous allons voter contre.

Il n’est pas facile de s’opposer à une subvention en soutien d’une action si nécessaire et humaniste.

Nous savons que des êtres humains sont exploités par des mafias, qu’ils sont obligés de fuir les guerres, la misère et le terrorisme et qu’ils risquent leur vie et celle de leurs enfants au milieu des mers. Nous savons leur souffrance liée au déracinement.

Et nous savons aussi que l’Europe ne met pas tous les moyens en œuvre pour les sauver. Pire, nous savons que le cynisme européen atteint des sommets avec des droits de l’Homme bafoués par ces mêmes pays censés les protéger : refoulements aux frontières terrestres et maritimes, enfermements dans des camps dans des conditions inhumaines. Nous sommes inondés de ces images chaque jour à la télévision, dans les journaux, qui chaque fois nous brisent le cœur et forgent notre colère envers ces mafias et cette Europe si lâche. Si lâche, qu’elle demande à la Grèce, après l’avoir mise à genoux, de gérer ce fardeau à notre place. Lors de son voyage à Lesbos en 2020, Marielle De Sarnez, Présidente de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale, parlait « d’urgence humanitaire, d’urgence politique et d’exigence de solidarité » et insistait sur le fait « que la Grèce ne doit pas être seule en 1ère ligne ».

Mais nous avons aussi en tête les images de ces personnes ayant réussi à arriver jusque sur notre territoire. Nous vivons à leurs côtés, nous prenons les transports en commun avec elles, nous les voyons survivre dans des squats ou dans des bidonvilles, principalement soutenues par des associations. Nous les voyons tous les jours déambuler dans notre ville ou sur la Métropole. Une enquête de Ouest-France, il y a 2 mois environ, montrait comment les jeunes arrivés sont récupérés par des mafias organisées qui les rendent dépendants des psychotropes. Comment lire cette enquête sans être bouleversé ? Alors ne nous accusez pas de ne pas les aimer : notre unique souhait est de les voir assimilés à notre société et nous nous réjouissons de chaque parcours réussi. La France doit être une terre d’accueil, notre ville, notre Département aussi. Mais est-ce bien le cas aujourd’hui ?

Car chaque fois que nous abordons le sujet sensible sur l’accueil des personnes Roms par exemple ou quand se présentent des difficultés comme celles avec le squat il y a quelques années dans le gymnase Jeanne Bernard, nous assistons à des passes d’arme du genre « ce n’est pas notre rôle, c’est l’Etat qui ne fait pas son travail ». Quand des entreprises, des habitants expriment leur ras-le-bol sur une cohabitation compliquée, on leur explique que c’est l’Etat qui ne fait pas son travail. Et bien souvent nous comprenons cette réponse. Oui parfois c’est à L’Etat de faire son travail, c’est à lui d’aider les communes, les métropoles sur certaines compétences. Jamais il ne nous viendrait à l’idée de ne pas vous croire et ne pas vous comprendre.



Elus depuis 1 an maintenant, nous voyons bien la difficulté des Maires sur certains dossiers car ils n’ont effectivement pas la main ou en tous cas ils n’ont pas toutes les cartes en main. Mais cette paralysie dans l’action est inaudible pour les citoyens.

Et puis aujourd’hui, alors que se substituer à l’Etat semble inconcevable habituellement, voilà qu’on se substitue à l’Europe, rien de moins. Voilà qu’un Conseil Départemental décide de donner des sommes astronomiques pour faire ce que l’Europe ne fait pas : on en arrive au million d’euro avec 500 000 euros en 2019, 250 000 euros en 2020 et 200 000 euros en 2021 sans compter l’argent des communes. Où est la logique ? Nous ne parlons pas de la logique politicienne, celle-ci nous l’avons comprise. Ne serait-il pas plus pertinent d’utiliser cet argent à l’accueil de ces personnes déracinées qui arrivent sur notre territoire ? Demandez aux associations qui s’occupent de leur trouver des logements, qui font les maraudes, qui gèrent les problèmes de santé, qui aident aux démarches administratives si elles n’auraient pas besoin d’aide financière supplémentaire pour accueillir ces personnes ?

Notre ville participe déjà à la solidarité internationale par le biais de l’OMRIJ (environ 140 000€/an), par des subventions exceptionnelles comme celle de 7 000€ donnée au Liban en début de mandat. Nous saluons le travail de fond et de coopération effectué par notre ville dans son jumelage avec N’Diaganiao au Sénégal qui a permis de faire chuter la mortalité infantile en améliorant l’accès à l’eau. Pourquoi ne pas envisager son élargissement avec d’autres pays d’Afrique comme la Guinée ? Nous vous rappelons que les jeunes Guinéens représentent la majorité de migrants présents à Nantes et Nantes Métropole. Nous pensons à ce que nous avons lu cette semaine sur la page Facebook d’un journaliste nantais qui suit le dossier des migrants à Nantes et dans la métropole. Voici ce qu’il a écrit :

« ll y a 2 ans et demi, avec Claudie, nous faisions la connaissance de Mohamed Sidy dans un camp de migrants à Tiznit au Maroc. Ce guinéen de 17 ans venait de quitter son pays dans l'espoir de rejoindre l'Europe. Nous avons gardé contact. Quasiment chaque jour, via WhatsApp, nous échangeons. Au fil du temps, nous lui avons fait prendre conscience qu'un autre chemin était possible : celui d'un retour dans son pays pour vivre de son travail, près des siens. Après bien des violences sur ce chemin de l'exil, il a fait le choix de nous faire confiance et de se faire confiance. Il est retourné chez lui. Il a suivi une formation en agriculture, puis il a travaillé sur un projet de création d'exploitation agricole. Nous avions ce matin la première réunion en visio avec tous les partenaires de son aventure que nous avons rassemblés. Il était souriant, il était beau, il était combatif, il croyait en lui et en la jeunesse de son pays. J'ai pleuré... Bientôt, je vous proposerai de participer financièrement, si vous le souhaitez, à cette belle aventure... »

Alors nous voterons contre cette subvention car nous ne souhaitons pas cautionner cette initiative propre à M. Philippe Grosvalet : nous demandons que l’argent soit dirigé vers les associations de nos territoires qui travaillent pour un accueil digne. Aujourd’hui nous devons agir plus pour ces exilés : il en va de leur vie mais aussi de la qualité de vie des habitants.

Je vous remercie.

Sébastien ALIX




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